Jeudi 29 juillet 1999, Nantes

Une journée de travail peu productive (encore une !). Interrompue par un coup de fil d’Ermold le Noir, qui proposait d’aller boire un verre à six heures plutôt qu’après : il souhaitait ne pas partir tard à Saint-Lyphard (il a une maison là-bas, et ça rime). Va pour six heures. Mais ça a été le cirque habituel : au bout de quelques dizaines de minutes (où il n’a fait que parler de lui, ce qui m’a assez peu intéressé en fait, et de tous les cyber-machins qui le passionnent actuellement : moi, je ne suis pas sûr qu’il n’y ait pas là beaucoup d’effet de mode), arrive une de ses vagues copines, « artiste » nantaise, qui nous raconte en long et en large sa semaine à Budapest en compagnie de l’écrivain Vincent Ravalec, parti faire les repérages d’un film semi-porno qu’il va tourner (où il se dit bien sûr que l’équipe et lui se tapaient les actrices tous les jours) ; puis, Adalard et sa bande, pleins d’entrain, et d’une estivale sobriété. Résultat, je rentre à minuit, inutile de faire grand-chose avant demain — où il faudra surtout s’occuper des préparatifs de nos actions pour les trente ans de mariage des parents dimanche, et ne pas rater mon rendez-vous chez le docteur Moreau, ainsi que je l’ai fait hier : je n’y ai pas pensé une seconde.

À la terrasse du 13&3 où nous étions, discuté aussi avec un couple que j’aime bien, Jude et Valérie, qui reviennent d’une année en Syrie ; je ne les croise guère plus d’une fois par an, mais j’apprécie ce moment.

Pour terminer, un fait divers que je qualifierais bien d’« amusant » s’il n’était tragique, entendu au journal de France Inter : à Atlanta dans le quartier des affaires, un type de quarante-quatre ans est entré dans une agence de courtiers, s’est écrié : « J’espère que ça ne va pas gâcher votre journée de spéculateurs ! » et a ouvert le feu, faisant quatre victimes ; puis il a traversé la rue, et a recommencé dans une autre, tuant cette fois cinq personnes. Il avait, semble-t-il, perdu beaucoup d’argent dans ce genre de combines. Ça lui vaudra sans doute la chaise électrique, et les affaires continueront sans changer d’un iota. Bref, ça ne sert pas à grand-chose[1].

[1] On en apprend plus au journal suivant, et la réalité est plus complexe que les fictions qu’on bâtit sur elle à la hâte : il semble que le type ait auparavant « battu à mort » sa femme et ses deux enfants, et qu’il ne se soit jamais débarrassé du soupçon d’avoir assassiné, quelques années auparavant, sa première femme et la mère de celle-ci à coups de hache. C’est donc peut-être plus un genre de psychopathe qu’autre chose. Et il s’est tiré une balle au moment où les flics s’apprêtaient à l’arrêter.