Dimanche 19 septembre 1999, Nantes

Vendredi et samedi soir chez Joris, avec Chepe comme invité vedette, revenu faire passer les examens de septembre, avant de repartir à Barcelone, comme c’est prévu dans son plan machiavélique. Soirées tranquilles et avinées à la fois — à la tonalité toute différente d’une soirée au bar, dans le bruit et la fumée. Vu aussi la bande habituelle de mon frère et Stéphanie, Philippe et sa copine, Loïc et Coline (Loïc dont on a écouté l’album en contrebande après son départ : il m’a laissé un exemplaire du prémastering pour faire ses copies). Samedi, Fred était avec nous, mais il m’a paru décalé. Chepe non plus ne m’a pas semblé très en forme, à vrai dire. Et pour clore cette mauvais série, Mathieu s’est fait larguer par Jennifer cette semaine. Mais comme on le connaît, il ne va pas beaucoup d’étendre sur la question.

 

 Vu À Mort la mort de Romain Goupil : le film le plus indigne qu’il m’ait été donné de voir depuis des années. Narcissisme dégoulinant, suffisance à en crever, clichés et images de pub Ricoré qui se veulent détournées. C’est hallucinant de connerie. Ce type a un égo tellement fort, et qui crève tellement sous le moindre propos que ça décourage la réfutation. De toute façon il a tout compris à la vie. Ermold et moi n’en croyions pas nos yeux. Et nous n’étions pas les seuls dans la salle ; à la fin, échangé quelques réflexions outrées avec une femme, dont j’ai compris en sortant que c’était la tante de Stéphanie Fontaine (qui me poursuit donc).

Ensuite Ermold m’a raconté la suite de ses aventures avec les personnages les plus improbables, gangsters gauchistes eux aussi anciens de 68, fanatiques de Dos Passos et du Voyage, qui portent un flingue sous la veste, et le traînent dans les bars à putes du quai de la Fosse jusqu’à des heures impossibles, puis partent sans payer des notes faramineuses. Des gens – s’ils existent – autrement plus intéressants pour l’histoire politique de ces trente dernières années que cette grande gueule mais petite merde satisfaite qu’est Goupil au vu de son film. Des gens dangereux aussi — et qui le sont d’abord à cause de leur différence, et d’un caractère qui nous semble imprévisible. Ermold est évidemment très fier de pouvoir raconter ce genre de petite aventure que moi je n’ai aucune chance de connaître ; et bizarrement, il est d’une décontraction et d’une assurance suffisantes pour donner l’impression qu’il y est à l’aise et que même tout est vrai : aussi parce qu’il ne voit tout ça que d’un œil extérieur. Il n’est pas Blaise Cendrars et ne le prétend pas. Moi, j’aurais déjà du mal à me situer, à camper assez fort mes positions pour envisager un vrai dialogue avec l’autre.