Mardi 21 septembre 1999, Nantes

Matinée gonflante à Saint-Nazaire, pour la rentrée des étudiants : cent soixante, boutonneux en sweat-shirts voyants, fanfarons, petites minettes, pimbêches, gros culs moulés dans des pantalons bien trop serrés, coiffures laquées et compliquées à la Beverley Hills, petits Maghrébins rigolards, tout ça dans un vieil amphi miteux, encore obscurci par la pluie torrentielle qui n’a cessé de toute la matinée. Je n’ai rien fait qu’attendre qu’il se passe quelque chose. À une question dont la réponse était suggérée, un prof m’a informé qu’il n’y aurait rien de plus l’après-midi (malgré le programme prévu) : je suis rentré, soulagé que cette perte de temps s’achève — et je n’ai eu aucun message dans l’après-midi s’inquiétant de mon absence. Tout ça est peut-être normal. On m’a donné très peu d’informations sur comment les choses se passaient en général. Et quand on n’est que chargé de cours, comme je l’étais avant à droite-à gauche, on n’est jamais convié à ces salamalecs. L’université, ça navigue toujours plus ou moins dans le flou. Mais pas « artistique ». Enfin ce sera au maximum Prends l’oseille et tire-toi (je reprends une formule d’Ermold, jamais en reste d’un jeu de mots ni d’une citation, il en a une ou deux en réserve pour toute occasion). Les cours que je dois donner n’ont d’ailleurs strictement aucun intérêt.

Revenu du Pont en bus (il fallait que je rende la voiture à Maman, et j’en ai profité pour déjeuner), j’étais tout poisseux, lourd, fatigué ; je me suis mis au lit avec Feyerabend, mais je n’ai pas tardé à m’endormir, et n’ai été réveillé qu’à six heures, par Loïc, pour me dire qu’il ne passerait finalement pas prendre son paquet de CD gravés aujourd’hui[1]. Journée de peu de travail — mais pour le moment, je ne vois encore pas trop ce que je vais faire, ni comment je vais le faire. J’ai enlevé la poussière, grâce à un échantillon de Swifter reçu par la poste, une nouvelle petite serviette aux propriétés électrostatiques à ce qu’il paraît (je ne fais jamais la poussière, sauf quand je tombe sur un endroit précis où de voir la couche accumulée m’emmerde. D’une manière générale, je ne fais pas beaucoup le ménage, à part la vaisselle tous les jours. Le ménage, c’est quand même sacrément perdre son temps, et je n’en ai pas tant que ça) ; ensuite j’ai été très séduit par Chiara Mastroianni chez Gérard Lefort, et j’ai téléphoné à Paul, qui m’a parlé de cinéma, et de comment il profitait à fond de sa carte de presse pour avoir des trucs gratos auprès des attachés de presse.

[1] J’ai donc pu écouter l’album avec attention. Je continue à émettre des réserves sur certains points de certains morceaux (dont ceux que je connaissais déjà), mais il est quand même pas mal. Pas mal du tout. C’est un album de Loïc : avec un début et une fin (une intro aux accents coltraniens d’ailleurs), des arrangements inattendus d’instruments classiques, des expérimentations, des textes alambiqués (parfois inutilement). Ce serait vraiment dommage qu’il n’aille pas plus loin que le premier. Je ne le graverai pas en douce pour moi : de peur que les morceaux m’aient déjà fatigué le jour où le disque sortira — puisque je l’achèterai de toute façon.