Vu La Lettre, de Manoel de Oliveira, avec Chepe ; étrange film. Personne n’a quitté la salle pendant la projection, mais il ne m’a pas semblé que le public a pour autant accroché ; et Chepe a trouvé ça ridicule. Moi j’ai aimé — en tout cas, je ne me suis pas ennuyé du tout. Je ne sais cependant pas trop comment en parler. Au début, j’ai craint le pire : jusqu’à ce que je réussisse (sans le vouloir vraiment) à comprendre le système du film, comment on pouvait entendre ce style très décalé, poussé parfois à la limite du risible ou au-delà (les scènes avec cet atroce chanteur pop portugais, toujours affublé de lunettes noires et de grosses chaussures voyantes qu’il avait certainement piquées à Victoria Rizzo) — je pense qu’il faut en partie le prendre comme une sorte de « conte moral », avec des personnages plus archétypaux qu’individualisés (sauf l’héroïne, jouée par la magnifique et très ambigüe Chiara Mastroianni). On saisit mieux ce qui passe au départ comme bizarreries ringardes. En revanche, pendant longtemps, je n’ai pas vu quels points de contact il pouvait avoir avec notre monde, notre vie, tant l’histoire est décalée. Puis j’ai peu à peu vu des passages, avec ce problème du désir qu’on ne peut assouvir sous peine de le voir disparaître, etc. Mais c’est évidemment plus riche, et il faudrait le revoir, en quelque sorte le psychanalyser, pour en tirer à coup sûr nettement plus.
Bu quelques bières avec Broerec (fatigué), et Loïc — au café, puis chez lui, où on a longuement parlé de sexe : mais sans ce côté trash des conversations d’hier — on a simplement évoqué nos expériences de garçons[1] (avec, pour moi, cette retenue de songer que je n’ai pas grand-chose à raconter de récent…). Ermold le Noir mérite bien son surnom. En revanche, j’ai à nouveau senti Chepe un peu bizarre ; je ne sais pas si c’est à cause des problèmes de sa mère, ou du mensonge qu’il s’apprête à faire à la fac pour ne pas venir donner ses cours, mais il me semble à côté de ses pompes. Il compte se faire passer pour dépressif pour rester en Espagne, mais peut-être n’en est-il réellement pas loin.
À ma question sur sa façon de travailler, Loïc s’est écrié que s’il restait jamais un mois sans écrire de chansons, il se mettrait vraiment à douter de lui ; et qu’il se passait rarement une semaine sans qu’il en écrive au moins une. Il travaille d’ailleurs au vrai sens du terme, tous les après-midis (j’en ai déjà parlé).
[1] Sans se poser la question, comme hier (hélas !) de savoir si Audrey suçait bien…