Lundi 28 février 2000, Méliniac

Alternance de courtes périodes levé et couché depuis le réveil de Joris vers six heures et demie (il travaille au cabinet médical au Croisic cette semaine) jusqu’aux alentours de neuf heures, puis parti faire des courses au bourg sous la pluie. J’ai commencé par pester comme un diable, mais ce n’était finalement pas si désagréable que ça. Charme de la campagne maritime. Petit magasin miteux. Un couple, peut-être de gitans, entre dans le magasin : la femme est sale, et a le visage extraordinairement grêlé ; c’est affreux à voir, je ne peux donc en détacher mon regard. Ils demandent « la patronne ». Sur le chemin du retour, arrêt au cimetière, dans lequel je n’étais jamais entré hormis aux enterrements de Grand-Père et Grand-Mère ; un moment sur leur tombe, très ému (disons-le franchement, je n’ai pu retenir mes larmes).

Incapable de travailler, dormi à nouveau entre midi et une heure. Mou et très peu intelligent toute la journée — c’est-à-dire sans motivation aucune. Juste replongé dans le fatras de mes notes sur les universaux — abandonnées en l’état depuis de nombreuses semaines (j’ai donc toutes les peines à y être). Dans l’après-midi, un tour à la plage de Cohanno, le temps s’étant dégagé : de petites galettes de pétrole viennent encore s’y échouer, trimbalées par les courants et les marées (Méliniac, vue sa position, a été peu touchée, par rapport aux côtes qui regardent vers le sud et l’ouest) ; voilà deux mois déjà que l’Érika a fait naufrage au large de Penmarc’h dans le Finistère[1]. Puis soirée molle également avec Joris (je me sentais très hors de moi-même, ce qui est rare avec lui ; je n’arrivais pas à garder ma voix de dérapages vers l’aigu qui en sont un des signes) — et au lit tôt.

[1] Aujourd’hui, Jospin était à Nantes pour parler de cette question, et il paraît que les manifestations devant la préfecture ont tourné à l’affrontement. Malheureusement je n’y aurai pas été.