Vendredi 7 avril 2000, Nantes

Journée commencée par l’histoire de l’âne de Buridan et par la fable du lièvre et de la tortue — toutes choses qui s’appliquent à moi. Sorti mon amertume et mon incapacité à réagir dans le cabinet du docteur Moreau. Qui m’a au moins redonné un peu le goût de rire à la fin, même si ce n’est pas vraiment suffisant. À l’arrêt d’autobus, puis une fois monté dedans, les gens me regardaient bizarrement — et plus que je ne suis regardé d’habitude : j’avais une tête à faire peur, sans doute. Il faisait beau, et il y avait beaucoup de monde, lunettes de soleil sur le nez, à déjeuner en terrasse au Flesselles. Brève réunion Kinexperience/VidéO3 — enfin brève parce que j’avais une bonne heure de retard ; puis à la CAF porter mon dossier de demande d’allocations logement, et retour pour travailler très mal.

Terminé la soirée à la fête de clôture du FRAC (il déménage à Carquefou) ; à boire de la bière infecte, et beaucoup, à fumer jusqu’à l’écœurement[1] : une sorte de bal populaire, avec décor, musique et bouffe idoine, mais qui sonnait faux, avec tous ces artistes fringués comme des cloches ; rien de gai. Mes camarades étaient lourds et vulgaires (Broerec en tête, qui avait pété les plombs pour une petite Isabelle Adjani de L’Été meurtrier qui jouait les crêpières d’occasion en dandinant ses hanches voluptueuses comme il fallait). Du coup j’ai regretté d’avoir laissé Jenny seule avec eux lorsque j’ai filé à l’anglaise (huhu !) — habité par le sentiment de déchéance, j’ai longé tout le quai de la Fosse pour rentrer chez moi.

[1] Un peu plus tôt étaient passés Greg (ça m’a ennuyé qu’il appelle), puis Berry, et on avait bu force pastis — je n’ai pas grand-chose à picoler chez moi, depuis un bon moment. Quand ça n’allait pas ces derniers temps, j’en étais réduit à siffler le rhum Négrita de la cuisine. Mais les voir était chouette ; après tout, ce sont mes amis, et ça me change des ambiances glauques. Conversation sérieuse ; sur les envies de Greg, sur les raisons pour lesquelles ça n’a pas marché entre Florence et moi, etc. En revanche, quand j’ai été seul avec Greg, pas évoqué franchement ses histoires avec Bérengère.