À nouveau une journée dans le coltar, on l’imagine. Ce matin, pas assez dormi, réunion au Flesselles pour présenter Loïc à Loïc : le chanteur au patron du bar (c’est la Bretagne !). Je n’ai pas été bon. J’ai promis des choses que VidéOzone aura du mal à tenir. Mais on navigue dans le flou le plus complet, et ça commence à m’énerver – d’autant plus que je ne connais rien aux domaines techniques (vidéo, internet…), et que l’activité d’organisation me dépasse, que le peu que je fais me demande une dépense d’énergie disproportionnée. Sorti en vitesse du bar après avoir hésité quant à savoir si les cafés nous étaient offerts ou pas (j’ai finalement préféré qu’on les règle, peut-être ai-je eu tort), pour arriver vingt minutes en retard chez le docteur Moreau – autant dire que la séance a été brève : dix minutes. Même si le temps n’est pas le facteur déterminant ici, ça fait chier. En plus, sous la pluie tête nue, et j’ai les mains sans cesse gelées depuis trois jours. Une heure au téléphone avec Ermold à se disputer à propos des flyers pour le concert, puis, dans l’après-midi, passé des coups de fils à des photographes (Loïc est réticent, mais on a pensé à une photo dans le style Harcourt) ; mais comme j’ai lâché que c’était pour une impression, on a tout de suite parlé de droits d’auteurs, et les prix ont grimpé. 2500 F. Ermold dirait que j’ai été mauvais, qu’il fallait y aller par la bande, pas préciser l’usage. Alors certes ça fait nettement moins de sous à dépenser ; mais pour risquer une plainte légitime ? ça effraie mon côté timoré. Je ne suis pas filou pour deux sous ; j’y vais toujours à l’honnêteté. C’est un problème (d’après lui). Ce n’est pas comme ça qu’il faut s’y prendre. Il faut louvoyer. J’en suis incapable ; par panique de tout affrontement ; par incapacité à tenir la position. Bref, un négociateur merdique au possible, pense-t-il. Par là-dessus, j’attends la réception par UPS de notre colis des États-Unis, et comme ça n’arrive pas, je ne peux rien faire d’autre. À la moindre contrariété, toutes mes (déjà maigres) capacités s’évanouissent, et il ne me reste qu’à bouiner comme une pauvre chose molle. Mis à part me branler et lire un peu d’Eça de Queirós, je n’ai rien fait de l’après-midi, même pas la vaisselle (et encore, pour le livre, ma sentimentalité peine à endurer plus de quelques pages à la fois les humiliations du jeune héros qui se fait jouer de lui par les membres retors de la – soi-disante – bonne société lisboète. Aucune distance).
Au bar encore, au même en plus, mais cette fois, pas d’alcool. Au départ, pour discuter de nos affaires avec Loïc (le chanteur), mais l’endroit ne s’y prêtait pas (ce que je savais), et Ermold n’était pas disposé à ça – il a continué à « se klaxonner la tête ». J’ai beau n’être qu’un petit bourgeois médiocre, lâche et sans envergure, la banalité des conversations autour m’a lassé très vite, et j’ai été absent. Ce dont tout le monde se foutait, évidemment. L’univers n’a pas besoin de moi pour exister ; mais moi aussi, je m’en foutais un peu. Loïc est revenu avec moi sur le cas Florence, jusqu’à ce que nos propos attirent de trop près les oreilles alentours : pour lui (et quelle qu’en soit la raison), c’est une allumeuse[1].
[1] Décidément, je ne suis pas psychologue (mais qu’est-ce que je suis, alors ? C’est donc bien vrai que je deviens de plus en plus idiot !), il a dit à nouveau ce que je pensais sans vraiment réussir à le formuler, à force d’hésiter, de n’être pas sûr… Une nouvelle confirmation qu’il n’y aura plus jamais rien entre elle et moi – mais qu’elle continuera à jouer de ça, et que moi, selon toute vraisemblance, j’y succomberai encore. Tout est tellement prévisible…