Mardi 25 avril 2000, Nantes

Rendez-vous à dix heures avec trois étudiants dont je suis censé suivre un projet ; j’étais mal réveillé, et ne savais vraiment pas quoi leur dire de concret. Je les ai noyés de paroles générales, la bouche asséchée par des cigarettes fumées à la file et le café très serré du Flesselles (peut-être pas le meilleur endroit pour les rencontrer non plus). Puis à Decré, au moment de payer mes courses, un préservatif est tombé de ma poche de manteau pendant que j’en extrayais mon carnet de chèque — un qui me reste du temps où Florence et moi en utilisions[1]. Je l’ai ramassé sans me démonter ; la caissière était jeune, et malgré un grand nez (comme Florence), jolie. Si j’y pense, c’est que maintenant que j’essaie de ne plus me masturber — ou du moins de repousser le plus tard le moment où je ne pourrai m’en empêcher — j’ai le sexe sans cesse à l’esprit. Mais il faut que je lutte pour la réalité.

Griffonné quelques pages de brouillon pour ma thèse – toujours aussi médiocres, et dont la pensée est toujours aussi absente. Surtout pour reprendre l’habitude de travailler régulièrement : je n’arrive pas à trouver l’axe selon lequel je vais étudier cette putain de question du réalisme de la désignation dans les théories génératives. Rien ne s’emboîte, et je sens bien que j’en reste, moi aussi, à la seule superficialité. Ensuite chez Pascale Justice, la graphiste, voir le projet de flyer ; elle n’a pas beaucoup avancé. Ses esquisses ne sont pas mal, mais je ne suis pas non plus emballé (pas plus qu’Ermold). Ce sera honnête, sans rester dans l’histoire du flyer.

Arrivé chez elle en retard parce que j’ai été hélé par Florence et Melpomène assises à la terrasse du Pilori, attablées à manger des gâteaux. J’ai aimé la façon dont Florence, quelques instants, m’a regardé.

Soirée mélancolique pour finir ; feuilleté un ouvrage sur Géricault (que la lecture de L’Œuvre de Zola me rend plus proche — même s’il n’a sans doute pas compté au nombre des inspirateurs de Zola pour les précurseurs de Claude dans le réalisme[2], il partage déjà avec eux quelques préoccupations). Travaillé encore un peu. J’ai tellement l’impression que je n’y arriverai jamais ! que la tâche est infinie, et tellement au-dessus de mes forces et de mon intérêt ! Je suis laborieux. Couché tôt — signe qui ne trompe pas.

… écrit un peu vite. Peu après ces lignes écrites à l’avance, sont passés Matt et Joris, restés jusqu’à une heure et quart. En buvant du pastis (je n’ai plus que ça, et encore, on l’a terminé), discuté de la promo pour le concert de Loïc au Flesselles, ainsi que des bonnes nouvelles des deux autres poulains de Matt — succès au Printemps de Bourges/un contact apparemment sérieux avec un label canadien (son patron a travaillé déjà avec Bram van 3000, un groupe qui a cartonné assez fort il y a deux ans en gros). Matt nous a aussi montré son portable, qu’il a dû se résoudre bien malgré lui à acquérir pour faciliter son travail — et dont il abuse déjà, comme tout le monde.

[1] Je ne suis pas vraiment du style à en avoir toujours sur moi au cas où.

[2] Ne sont cités que Delacroix et Courbet pour les peintres « réels ».