Terminé Babitt. Inégal, mais toujours intéressant. La veine satirique (comme l’incipit que j’ai reproduit il y a quelques jours) donne de bons résultats, mais s’épuise par systématisme. Comme la pure caricature, même si c’est la façon dont on aime que soient présentés les Américains[1]. D’autant que Babitt a beau être présenté au départ comme un gros con, l’identification fait qu’on s’intéresse à son sort. C’est donc plus prenant lorsque la construction du livre devient moins théorique (succession de scènes qui balaient l’ensemble des phénomènes sociologiques, en gros), que le personnage essaie de se révolter contre son sort, puis qu’il se voit contraint de rentrer dans le rang. Quelques clichés, mais ça tient encore bien la route.
Aujourd’hui, j’aurais sans doute terminé de rédiger mon bout de chapitre si, lorsque j’ai appelé Greg, il ne m’avait pas proposé d’aller voir le trompettiste Éric Truffaz qui donnait un concert gratuit à La Roche sur Yon. Echapper au démon des sorties m’est vraiment difficile. Avec Bérengère et lui, rejoint là-bas Cédric et sa collègue du Courrier vendéen. Presque rien vu de la ville. Dans la voiture, j’étais très en verve (je crois que sur ce point, les médicaments du docteur Moreau me font de l’effet ; ça ne me pousse pas forcément à travailler plus, mais je sens maintenant souvent l’énergie me dégouliner, et je me surprends à régresser comme au bon vieux temps avec Joris, assis à mon bureau devant l’ordinateur). Mais j’ai ensuite eu des crises de baillements sévères. Le concert était pourtant bien, alors que des préventions vagues m’avaient toujours fait reculer d’aller voir ce type jouer. Lui-même n’est pas très scénique, lorsqu’il ne joue pas, il est la plupart du temps assis sur un haut tabouret et donne l’impression de se faire un peu chier (sans doute parce qu’il est concentré, ou simplement écoute les autres), mais l’ensemble de la musique est assez prenant. Je continue à penser que certains solos à rallonge, où tous les autres musiciens s’arrêtent ou notouillent vaguement, ne sont pas très intéressants (ils pourraient laisser à celui qui s’y met sa liberté tout en essayant de construire tout de même quelque chose ensemble en même temps), mais pour le reste, c’était intense et enlevé. Du jazz, mais avec un rappeur, et parfois sous haute influence groove — sans machines. Le batteur avait des plans qui m’ont beaucoup plu, des rythmes très libres, et parfois très rapides sur le bord de caisse claire.
Bon nombre de Nantais dans le public (certains doivent être aussi vendéens, on fait ce qu’on peut), dont Laurent Allinger, le DJ des Rabbits et du Blue Note Groove, et Jean-Patrick Cosset, qui joue de l’orgue Hammond dans le même groupe. Des gens que je croise trois fois par semaine à la terrasse du Flesselles dans l’année, et que je connais sans les connaître. Et je ne suis pas assez « communication » pour les saluer malgré tout. La semaine prochaine, il y a un concert de Katerine. J’irais bien.
[1] De ce point de vue, il n’est pas très différent du Victor Ward de Glamorama, même si l’un et l’autre ne sont pas à la recherche exactement des mêmes choses. Le même conformisme consumériste règne.