Vendredi 11 août 2000, Nantes

Entendu à la radio le final de L’Arlésienne de Bizet. Ce genre de musique, c’est comme si on arrangeait artistiquement sur une assiette de prix un jambon blanc-purée Mousseline et qu’on l’avalait avec des couverts en or à la table d’un grand restaurant. Une totale disproportion entre la mélodie (déjà un peu ridicule en elle-même, mais pourquoi pas, après tout ?) et la boursouflure des arrangements. Et quel festival « d’espagnolades ».

Nuit d’insomnie (à quatre heures, j’ai allumé, et ai lu ½ h de Defoe), puis journée à mal travailler. Relu mes notes sur un bouquin de Pierre Jacob sur l’empirisme logique — nombreux liens avec la grammaire générative que je n’avais pas vu en écrivant le chapitre précédent. Enfin, tout ça ne me fait pas beaucoup avancer ; et passer l’après-midi à lire sur l’ordinateur des textes difficiles en times corps 12 et en simple interlignage fatigue la vue. Un moment sur internet également. Découvert un site intéressant, celui de Video Data Bank, une boîte de Chicago qui loue des films ; il est très complet, avec environ 250 artistes ; chacun est présenté dans une courte biographie, et toutes les œuvres en leur possession sont non seulement décrites, mais proposées en échantillon avec Quicktime 4 (une minute de chaque vidéo téléchargeable). De quoi me faire la culture que je n’ai pas. Je ne suis pas encore allé bien loin dans l’exploration, mais j’ai déjà repéré au moins quatre ou cinq artistes que je montrerais bien. Je ne sais pas si Ermold les connaît tous.

Puis chez Joris, qui se sent un peu seul, puisque Stéphanie est à Barcelone ; discuté de ses aventures sexuelles et joué au flipper sur ordinateur. Je l’ai quitté à une heure pour aller dans le Bouffay. Je savais que Florence y était avec Melpomène (c’est ce qu’elle m’a dit lorsque je l’ai appelée hier soir — si je veux avoir de ses nouvelles, maintenant, il faut que je l’appelle), mais Radulphe m’avait dit qu’il y serait aussi avec Adalard. J’étais partagé, parce qu’il fallait que j’aille voir Florence, mais que j’en avais un peu d’appréhension, et parce que je préférais aller boire des verres avec Radulphe. Résultat, je l’ai trouvé avant sur le chemin, au Bar du coin. J’ai bien essayé de trouver Florence place du Bouffay, mais sans succès : ça m’a soulagé. Retourné boire des verres. Radulphe et Adalard étaient avec Sylvia, qui dès qu’elle m’a vu arriver, a clamé que je revenais de voir Florence, à cause de la façon dont j’étais habillé (comme quoi, je ne m’en étais pas vraiment rendu compte, mais j’avais mis avant de sortir une chemise plus clean que d’habitude — c’était en effet le cas). Fine psychologue comme une fille, elle a cherché à me faire avouer que j’étais encore amoureux d’elle. Je n’ai pas voulu acquiescer, peut-être n’a-t-elle pas tort, même si ça en est arrivé en moi à un point qui fait que même si Florence me draguait, je crois que je n’arriverais pas à coucher avec elle (de toute façon, il est hors de question de simplement imaginer que ce genre de choses puisse arriver ; même si psychologue, je ne le suis pas du tout, je la connais assez). Je me suis fait charrier. Mais à nouveau une bonne soirée, terminée chez Adalard en buvant du vin rouge à parler de sexe, et, intimement, de la manière dont on voyait la chose (c’est-à-dire pas toujours de façon très brillante). Pendant ce temps, Adalard s’est endormi sur le canapé, les pieds sur la table basse. Dommage que je n’aie eu aucun désir – j’ai dit que j’en avais peu en ce moment –, sinon j’aurais entrepris Sylvia ; ça aurait pu marcher. Mais c’était trop abstrait. Elle m’a déposé chez moi en voiture. Je ne sais pas ce qu’a fait Florence ; sans doute est-elle allée au Lieu Unique.