Vendredi 18 février 2000, Nantes

Réunion au Flesselles avec Ermold et les gens de Kinex’ à dix heures, soit cinq minutes après mon réveil[1], à propos de la nuit cinéma/vidéo à l’occasion de l’expo au musée – Kinex’ c’est pour Kinexperience, on les appelle tous comme ça et eux aussi parlent d’eux-mêmes sous ce nom ; je connais leurs programmes depuis longtemps, j’avais été voir les premiers avec Stéphanie et Paul il y a déjà cinq ans, et les suis de loin en loin depuis – mais là nous sommes censés être sur un pied d’égalité. Dû partir à onze heures pour mon rendez-vous chez le docteur Moreau ; séance intéressante, si ce n’est productive (ça, il faudra voir), où nous avons évoqué la possibilité que la grave maladie qui m’a atteinte à onze mois (une sorte de choléra, dont étaient mortes en très bas âge deux sœurs de Maman), avec la séparation brutale de mes parents qu’elle a nécessité, puisse constituer un élément important de mon sentiment de castration[2] : comme le bébé commence par construire le monde en un absolu autour de lui, cette séparation représente en quelque sorte une castration totale, une perte du monde.

Après-midi à faire des caisses pour demain, puis à Rennes avec Ermold pour une performance musique/cinéma de Llog, deux Grenoblois. Très intéressant au début, avec un jeu sur l’à peine visible (deux corps humains difficilement perceptibles, en surimpression d’une pénombre grisâtre et dense), mais la suite s’est révélée moins pertinente, avec, qui plus est, un manque de lien entre les films successifs — et une avalanche continue de guitare préparée qui finissait, dans ce contexte, par être fatigante. Finalement, c’est peut-être le lieu qu’il faudra retenir : un sous-sol du parking de la place Hoche : donc ambiance à la fois glauque et feutrée. Il faudra la retenir pour VidéOzone (ou bientôt Le Cabinet médium, nom auquel on a pensé en remplacement autour d’un verre ensuite dans un bar à tapas de la rue Saint-Melaine). Une fois ici, écouté le disque de ***, qu’Ermold m’a passé : c’est avec eux que nous devrions faire l’intervention au musée. Sorte de post-rock avec beaucoup de piano : de bons morceaux, agréables à écouter mais ce n’est pas non plus transcendant, loin de là (le jeu de basse, assez présent vu le minimalisme de l’ensemble, n’est vraiment pas bon, le bassiste n’a aucun sens du groove, il traîne ; et j’ai pensé souvent à des idées d’arrangement bien meilleures que celles choisies).

[1] J’ai besoin de temps pour émerger le matin ; ce qui fait que chaque fois que je sors de chez Florence, comme c’est plus ou moins en catastrophe, j’ai vraiment ce qu’on appelle très vulgairement « la gueule dans le cul ».

[2] J’ai interrogé Maman à ce sujet dimanche : je savais que tout petit, j’avais dû aller à l’hôpital, et que j’avais « des aiguilles plantées dans la tête » (en fait des perfusions, mais c’est l’expression qui a toujours été employée, et qui renforçait l’aspect plutôt effrayant de l’épisode), mais je n’avais jusque-là jamais demandé de manière précise ce que c’était.