Les parents sont passés m’apporter un meuble pour ma chambre, qui était avant dans l’entrée de la maison de Méliniac, et au même moment, arrive le sommier que j’attendais depuis quelques jours — l’aménagement de cet appartement progresse ; des caisses disparaissent peu à peu. À 18h à la chapelle de l’Oratoire, rejoint par Loïc, Coline et Marko pour une lecture de poésie sonore par le poète-performer hollandais Jaap Blonk (une pointure, paraît-il), organisée par des assos membres du collectif comme nous. Je ne suis pas très réceptif à ce genre de production — la pièce de Jaap Blonk que j’avais écoutée sur disque m’avait laissé froid, avec ses petits bruits de bouche — mais c’est beaucoup plus fascinant en direct, notamment parce qu’on ne sait pas trop bien à quoi on assiste : poésie, musique, performance d’acteur ? (tout, en effet, est mêlé[1]). J’aimerais réfléchir à ça, lorsque j’en aurai le temps. Je trouve certaines choses sans intérêt, trop illustratives, et, dans la récitation, proches de l’exercice de clownerie, comme cette pièce de Kurt Schwitters sur l’éternuement, qui consiste en une série d’éternuements crescendo, justement — c’est, là en revanche, peut-être mieux à la lecture solitaire, à cause de la bizarrerie inéluctable. Mais il y a eu des pièces magnifiques, parfois terrifiantes, comme le « Chant funèbre » d’Hugo Ball, composé pendant la Première Guerre mondiale, pendant lequel je me suis vraiment senti décoller de la salle[2], un poème de Vladimir Khlebnikov proche des liturgies orthodoxes (à ce qu’il m’a semblé, et quoique écrit dans les années 20, à une période où ce n’était sans doute pas en odeur de sainteté — mais quelle est la part de l’interprétation ? c’est ce qu’il faudrait savoir). Surtout le premier mouvement de l’Ursonate de Schwitters. Nombreux applaudissements à l’issue de la performance, mérités.
Hésité ensuite à aller voir la seconde partie à LU, Jaap Blonk et son groupe Braaxtaal — donc sans doute plus proche de la musique improvisée — mais j’ai préféré rentrer travailler, avancer ce que j’avais commencé dans l’après-midi. Trois pages aujourd’hui, sur Leroi-Gourhan et sa conception des universaux d’activité ; je ne sais pas si ça s’intègre au mieux dans le reste du chapitre, dont la substance m’apparaît soudain très floue. Et puis, sous le fallacieux prétexte de regarder mes e-mails (inexistants), j’ai ouvert Netscape, et passé un temps fou à naviguer sur des sites de cul. Travaillé ensuite un peu au rewriting du dossier de presse de la manifestation de fin mai, comme me l’a demandé Ermold — en essayant de me détacher de cette idée (un peu vraie tout de même) que je ne suis que le second, à qui il confie des tâches comme à un subordonné. Puis chez Florence, dans un état de malaise avancé, dû à la fatigue et à toutes les cigarettes que j’avais fumées ; elle regardait la fin d’un vieux film de Claude Miller avec Depardieu. À nouveau une longue dispute au lit, mais qui s’est mieux terminée, puisque nous avons fait l’amour, de façon intense. Une chose est sûre, elle ne va pas bien.
[1] Et le physique est très important ; il fallait voir comment Blonk déformait parfois tout son visage, voire son corps entier, pour produire certains sons.
[2] Je ne sais pas si c’est parce que je suis conditionné, mais par moments, j’ai bien cru voir autour de lui « l’aura » du poète — une sorte de halo lumineux et diffus d’un jaune fluorescent ; et ce n’était pas dû à l’éclairage, puisque je voyais aussi, au premier plan, celle de Loïc assis devant moi. Mes yeux me jouaient un tour.