Vendredi 10 mars 2000, Nantes

Levé un peu avant neuf heures, et pu travailler quelques temps avant mon rendez-vous chez le docteur Moreau — un progrès. Séance tendue, et où il m’a un peu foutu le nez dans ma merde. C’est ce qu’il fallait, de toute façon, l’état de profonde léthargie où je suis par rapport au réel ne peut plus durer.

Florence passée dans l’après-midi ; elle me raconte le concert de Bryan Ferry hier soir au Grand Rex, et tous ses déboires de la journée, sa fatigue, ses désillusions lors des deux entretiens qu’elle a passés, ses chaussures qui la torturaient (et de fait, elle est venue aujourd’hui chez moi avec aux pieds de vieilles tennis « du père de ma fille ») ; elle est tellement bizarre qu’elle préférerait dormir dans un local à poubelles qu’appeler des amis pour qu’ils l’hébergent (et elle en a, à Paris) — mais elle a finalement pris un hôtel, pouilleux. Je l’ai aimée, lorsqu’elle me racontait tout ça ; elle est parfois si touchante…

Continué à taper mon chapitre, puis décidé d’aller voir Venus à l’Olympic avec le Loïc Groupe (c’est-à-dire Loïc, Philippe – Bertrand – et Mathieux, ainsi qu’ils s’appellent de temps en temps) plutôt que de voir mes amis vernaculaires. Et je suis très content : excellent concert. De la pop, mais avec outre batterie et guitare, acoustique surtout, un violon et une contrebasse jouée à l’archet : des arrangements plutôt originaux, et une grosse énergie sur scène — ce ne sont pas des perdreaux de l’année, et tous œuvrent déjà dans d’autres domaines artistiques, je crois. Les compositions ne sont pas toujours transcendantes (jamais mauvaises), mais la manière de les interpréter leur donne une dimension supplémentaire : le groupe joue de la forme fixe qu’est la chanson pop pour en renouveler les moyens — comme un poète qui rendrait un goût nouveau (et pertinent) à une forme classique comme le sonnet. Qui plus est, on les sent très à leur aise sur scène, et ils complètent ça par un vrai travail sur les lumières, ce qui est rare. Le public (peut-être 350 personnes) marchait à fond, ce qui est étonnant pour un groupe qui n’a sorti qu’un album et, malgré de bonnes critiques, n’a pas eu une couverture médiatique faramineuse. Ça restera comme une des meilleures soirées à l’Olympic de l’année[1]. Vénus, donc un nouveau groupe belge (ce sont des Bruxellois) de plus à ranger dans les nouvelles têtes à suivre — il se passe vraiment pas mal de choses intéressantes en Belgique dans le domaine du rock indé.

[1] Mathieux et Loïc y allaient surtout pour étudier comme le groupe se tirait d’une formation proche de la leur, et n’ont en revanche pas été séduits. Je ne sais pas ce qu’il leur faut…