Samedi 18 mars 2000, Nantes

Journée horrible.

Au réveil fait l’amour, avec une rage presque triste. Avant ça, Florence m’a dit que « ses sentiments pour moi » n’étaient « plus les mêmes ». C’était peut-être la dernière fois que nous couchions ensemble ; c’est une question de jours maintenant pour qu’elle me quitte. Elle ne sait pas pourquoi son amour a baissé, et jure m’avoir aimé comme une folle jusqu’il y a peu. Elle me reproche deux choses, un peu ridicules : le fait que je sois un habitué du Flesselles, qui pour elle, représente quasiment l’Enfer (et l’a toujours fait), royaume de la superficialité où l’on ne va que pour se montrer ; et d’avoir, en elle, été attiré par ses relations : le fait qu’elle soit amie avec le tout Nantes et ait été avec un mec connu. Les deux sont liés. Elle a mis le doigt sur quelque chose d’important, c’est vrai, mais sans l’analyser dans le bon sens. Mes protestations, évidemment, n’ont rien fait. Je me vois mal chercher à être avec quelqu’un pour son ex, c’est vraiment mal me connaître. Au contraire, ça me bloquerait plus qu’autre chose (et ça l’a fait même si ça faisait entrer dans un monde auquel j’aspire en effet ; et ce n’est pas parce que ce milieu m’attire que je l’aurais voulue, elle, pour en rencontrer les membres – là aussi, ma timidité aurait plutôt tendance à me bloquer. Mais lorsqu’on tombe amoureux de quelqu’un, c’est aussi (du moins souvent) de tout ce qu’il trimballe avec lui, c’est un peu inéluctable, et en elle, c’est le tout qui m’a attiré – et que je lui plaise me laissait de ce fait incrédule au début. Pour elle aussi, c’est un échec, cette impression des années récentes, depuis sa rupture, de ne pouvoir faire durer son amour pour quelqu’un – enfin ce qui me préoccupe, c’est le nôtre, ou ce qu’il en reste.

Elle me quitte en début d’après-midi pour aller voir un autre ex, déprimé à ce qu’elle me dit, mais « un ex ». Promesse de se retrouver à la Maison pour le mini-concert de Bosco : mais là-bas pas de Florence ; je passe quelques temps avec Loïc, Coline et Karim, sur des charbons ardents – en plus, je suis mort de fatigue. Je rentre et j’essaie de travailler. Huit heures et demie, toujours sans nouvelles, alors qu’on devait s’appeler pour discuter de si on allait voir le concert du soir ou pas ensemble (j’ai une place, mais j’hésitais vu comment ça tournait entre nous). Je décide de rejoindre Ermold au Flesselles et passe par sa rue : toutes les fenêtres Lemoine sont éteintes… Résultat, j’enquille à peine arrivé une vodka cul sec, presque tremblant, et fume clope sur clope. Aussi sec je cours chez moi m’enquérir d’un message éventuel : qui n’est pas là. Dépité, je lui en laisse un. Larmoyant. Nul. J’en étais à penser qu’elle était restée coucher avec l’ex de cet après-midi

Retour au Flesselles pour une autre vodka, puis un vieil alcool offert par Loïc, sur une suggestion bienvenue de Broerec : une bouteille trouvée lorsqu’ils faisaient des travaux, dans une cheminée comblée — probablement caché là pendant la guerre (donc distillée encore avant). Le résultat est que je suis sorti du bar bourré. À peine sorti, avec les encouragements bruyants de mes camarades, couru attraper un tram pour l’Olympic : un message de Florence m’y donnait rendez-vous (comme si c’était naturel ; que tout allait bien), mais comme je l’avais écouté depuis le portable de Broerec, dans le bruit du café, je n’en ai saisi que des bribes. Dans le tram, je me retrouve avec un copain parisien d’Adalard, qui ne remporte pas vraiment les suffrages autour de moi : mais sa compagnie me distrait, il ne me paraît pas du tout antipathique. Arrivé dans un Olympic désert encore, comme pour toute bonne soirée technoïsante. Là, Florence, dont je ne parviens pas à décrypter l’attitude, mais qui est fatiguée et voudrait rentrer se coucher. J’insiste pour voir tout de même Bosco jouer, en m’ennuyant sec avant qu’ils ne montent sur scène. Je ne regrette pas, c’était excellent – la musique électronique jouée live a tout de même plus d’attrait que les sets de DJs. Mais on est parti avant la fin, Florence n’en pouvait plus, et en plus, détestait la musique. Rentré à pied, en longeant les quais : une demie heure de marche rapide où j’ai été minable, à cause de l’alcool et du désespoir – j’ai cherché à la culpabiliser, pour le dire vite. Enfin chez moi, où je lui ai fait à dîner rapidement, puis au lit sans tendresse.