Levé (trop) tôt pour aller au Flesselles mettre au point un accord de base pour le concert/installation de Loïc : ce sera le 17 mai. Évidemment, Ermold ne m’a pas trouvé parfait. Puis chez le docteur Moreau, où j’ai parlé en abondance ; mais c’est peut-être à la toute fin que j’ai lâché le plus significatif : comme il faisait à nouveau allusion au bureau de mon père dans la maison de Javerlhac, pour faire du sien l’analogue, j’ai laissé entendre que je venais y chercher une clef (ou plutôt demander qu’on me la donne enfin), puis dans le mouvement ai lâché, en manière de plaisanterie, mais presque sans le vouloir, « la clef de la ceinture de chasteté ». Je veux bien croire que j’ai dit là quelque chose d’important ; de là à supposer que le simple fait de l’avoir dit puisse constituer un pas… Toujours est-il que ça m’a permis de voir comment je me comportais mal par rapport à l’existence, comment je la laissais passer à côté sans rien prendre qu’on ne veuille bien me donner (en particulier dans mes rapports avec Florence). Ensuite aux locaux de Kinex’, pour discuter de scopic/haptic ; on n’a rien fait de bien important (revu quelques trucs, dont le budget), mais on est allé manger, et, avec encore un café au Flesselles par là-dessus, je n’ai été chez moi qu’à seize heures. C’est la société de conversation, à réhabiliter contre le productivisme — qu’il faut remettre en œuvre (enfin, moi, je dois le faire, mais à l’évidence, j’ai du mal ; je crois à peine à ce que je viens d’écrire). Tout de même eu quelques projets un peu radicaux pour aller à l’encontre du CRDC.
Rentré chez moi, coup de fatigue : j’ai entrepris une sieste, mais avec tout le café que j’avais bu, impossible de seulement fermer l’œil. Pensées sexuelles. Une heure après, coup de sonnette à la porte : Florence (que j’espérais). Essayé d’appliquer ma nouvelle stratégie, sans beaucoup d’effet — « une fois que c’est fini, ça ne revient plus jamais », a-t-elle dit ; elle devait voir où je voulais en venir. Il faut que je veille à ne pas (re ?-)tomber trop amoureux d’elle, sinon, on n’en finira plus.
Terminé mon bout de chapitre sur l’universalité (je vais envoyer ce que j’ai fait sans rien y rajouter, sinon, ça va prendre encore des semaines — tant pis si ce n’est pas complet), puis passé au Versailles avec Loïc, Florence, et sa copine Melpo ; café très enfumé, bourré à craquer d’inconnus, vite partis. Puis chez Florence avec elle ; elle m’avait proposé de regarder un film, dont elle n’a finalement pas trouvé la cassette : restés assis sur son canapé à feuilleter un numéro de Vingt ans en écoutant des disques (Charlie Christian – inspirateur visible de Wes Montgomery – et Bix Beiderbecke, sa nouvelle passion). Elle m’a beaucoup plu, à nouveau. J’ai eu du mal à la quitter, et son regard, de quelque manière, n’était pas indifférent. Passé ensuite à l’Atomixeur récupérer un câble d’alimentation de moniteur, qu’Ermold avait bien entendu oublié. Comme étaient là également Broerec, Céleste et Radulphe, je me suis dit que j’allais rester un peu : pris quelques verres. Je me suis laissé embarquer à suivre la discussion d’une vieille copine de Radulphe et Ermold (la sœur de René Bergère), complètement saoule, et très amoureuse d’Ermold — quelque chose de beau et pathétique à la fois, tout le monde connaît ce genre de situation. Vu son état, elle était partie pour dire ses vérités à tout le monde, et Radulphe, en particulier, a été rhabillé pour l’hiver — leurs propos à tous deux étaient étonnamment lucides (tout le monde était bourré, et il y en a chez qui ça développe la lucidité). Seulement, ça m’a vite fait chier, sans que je trouve comment les laisser — passé l’amusement, j’étais de trop dans ce trio infernal : ce rôle de témoin dont Ermold a besoin pour se mettre en valeur, une sorte de factotum de ses blagues, qu’il voudrait pareil à lui mais peut charrier à loisir du fait qu’il ne l’est pas. Et lorsque j’ai refusé de les suivre ensuite, arguant que je détestais qu’on me force la main, ça a encore une fois été le grand jeu de la trahison, etc. Théâtralité ridicule. Un moment avant, pour me pousser à boire il m’avait confié, avec son air patelin habituel, que ce qu’il fallait, pour bien bosser sur sa thèse, c’était prendre de temps en temps des super cuites, pour se dégoûter de l’alcool et des sorties, et se sentir, même, trop avili pour avoir envie de recommencer un bon moment (drôle de méthode, mais passons) ; sauf que ça y est, moi, c’est ce genre de soirée qui me dégoûte de sortir dans les bars.
Pour achever mon dégoût, lu au lit la moitié d’un roman, particulièrement cynique ; de Régis Jauffret (Autobiographie).