Dans le pâté complet. Sans énergie, dégoûté de la vie que je mène — et que je mène à grand peine. J’ai trop bu hier soir, beaucoup trop, parce que j’étais à une fête ennuyeuse où je ne me suis pas senti à ma place — chez Marc Ausone. Arrivés tard, on n’a pas réussi à s’intégrer au groupe des gens qui scotchait sur les chaises longues du jardin, et j’ai bu pour m’occuper. Mais la soirée a été compromise dès le début, je le sentais bien, dès le Flesselles, où chacun jouait un rôle sans y croire (ou comme Broerec, taciturne et les yeux cernés, n’en jouait guère) ; je me démenais pour faire semblant, je sautais partout, j’esquissais des pas de danse dans le bar pour donner de la vie sans faire illusion. Avec la certitude de ne rencontrer personne à la fête, la seule chose qui m’intéresse. J’étais tout de même enragé, et ma déception n’a fait qu’augmenter lorsque Sylvia m’a laissé tomber sur la piste de danse pour entraîner Ermold dans un coin, et qu’elle l’a collé le restant de la soirée pour lui raconter des petits secrets. Ce n’est pas que cette fille me plaise, et elle a assez daubé sur Florence pour que je n’ai guère envie de lui être agréable, mais mes instincts (quoique médiocres dans leur démonstrativité, le regard non tenu, les gestes contraints dans la danse même[1]) en étaient réduits à focaliser sur elle — et ça m’a donné cet instant l’impression d’exister un peu plus. À partir de ce moment, je n’ai plus qu’attendu celui de me casser, retenu par la présence d’Ermold, et parce que je comptais bien sur lui pour me ramener (ça fait loin de chez moi, maintenant). Déprimé et l’excitation sexuelle démultipliée par l’abus d’alcool, je me suis branlé avec violence et dégoût une fois rentré. Vraiment, je ne sais plus où j’en suis. Le sexe occupe continuellement mes pensées, comme je le disais déjà hier, mais l’insuccès finit par me faire douter de tout.
Ce soir dîner de crêpes chez Jennifer. Ça me faisait chier, mais j’ai préféré dire oui. Par faiblesse et parce que je n’ai pas envie de passer la soirée seul. Mais je me coucherai tôt. À force d’être trimballé, mon téléphone a perdu la petite fiche qui le relie au transformateur qui alimente le répondeur ; du coup, deux messages de Florence, que je n’avais pas enregistrés sur mon dictaphone ont été effacés ; ça me chagrine. Mais c’est être petitement fétichiste. Une soirée très restreinte : à part moi, seulement Matt. Joris a prétexté un repas inexistant ailleurs (Jenny ne lui plaît pas, il la trouve ennuyeuse[2]) ; Ermold est parti se reposer à Saint-Lyphard[3] (et je n’aurais pas voulu le voir là d’ailleurs — il ne faut pas mélanger toutes les ambiances). Au début, j’ai senti dans l’air une drôle d’agressivité, surtout de la part de Mathieu, que je trouvais très sec, peut-être à cause de l’évocation des soirées au bar que nous avons passés Jenny et moi où il n’était pas (quoiqu’elle le déclare inaccessible à la jalousie). Moi-même, je n’étais pas très agréable non plus, Jenny m’énervait pour des détails. Puis ça s’est arrangé ; mais ce n’était pas un moment franchement mémorable[4].
[1] À deux : j’y suis mauvais, parce que je m’impose mal comme corps. Je suis meilleur seul (et j’y prends plaisir).
[2] Elle et moi n’avons pas non plus grand-chose à échanger.
[3] Laissant de côté un bon nombre de choses à faire pour VidéOzone. Je vois déjà qu’il va falloir que je m’occupe de tout en catastrophe. Et il nous manque plein de choses : des informations (pourrons-nous aller « accrocher » dès le vendredi soir ?) et le reste (une tente de camping pour présenter les vidéos, un endroit où loger Sam). Sachant que j’ai mes cent cinquante copies à corriger pour le 13, et qu’il faut absolument que je termine mon chapitre pour Branger avant le 20 alors que je n’en suis qu’aux débuts. Je ne sais pas comment je vais m’en tirer.
[4] D’où : était-il nécessaire d’en parler ?