Cette nuit, pas dormi plus de trois heures. Entre trois et six heures du matin, impossible de trouver le sommeil, et à six heures, je devais me lever (dieu merci, pour la dernière fois cette année). Je ne sais pas le pourquoi de cette insomnie. Peut-être de penser à Florence ; en tout cas, je n’ai cessé de penser à elle ensuite, en me tournant et me retournant dans le lit. Hier soir, en allant prendre le tram pour Le Pont j’ai croisé Melpomène près de Sainte-Croix, et nous avons parlé d’elle ; elle s’inquiète de la situation financière où elle s’est mise, en partant travailler à Paris pour si peu d’argent, et je partage un peu son inquiétude. Florence fait partie de ces gens dont il est difficile de prédire s’ils vont réussir ou se planter complètement ; selon les jours, mes idées sur elle changent du tout au tout à ce sujet.
J’aurais bien aimé adopter un ton dramatique pour ce jour, mais il s’est terminé par des heures de discutailleries avec Ermold l’infernal au téléphone, à propos de l’exposition de ce weekend, de ce que je n’aurais pas bien fait (ça, il ne se prive pas de me le faire savoir, même si ce n’est pas faux que j’ai fait quelques conneries dans l’organisation, dans mes contacts avec Sam), de ses angoisses plus généralement, qu’il aimerait bien me communiquer, je le sens, pour tenter d’alléger une partie de son fardeau. Et ça marche, plus le temps avance, plus j’ai l’impression que cette manifestation va être un calvaire (ce que je n’ai pas eu pour les précédentes), que nous allons être jugés mauvais, que Sam ne sera pas satisfait, et que je ne vais pas savoir être à sa hauteur vendredi soir, quand il faudra que je le trimballe seul en ville parce qu’Ermold sera retenu à la fac. Mais c’est l’épreuve de vérité : savoir si je suis capable de me débrouiller sans lui. Pour le moment, ça n’a pas trop été le cas, j’accumule les maladresses. Et avec ça, mes copies, toujours et la fin de mon chapitre à mailer à Branger avant le 25 — cette fin de chapitre qui me donne des sueurs froides rien que d’y penser.
Lorsque je suis arrivé à la station essence, j’ai vu trop tard qu’il y avait Hugues, mon vieux copain, juste à la pompe d’à côté. Pas le temps de faire marche arrière, et aucune envie d’entrer en contact. Mais il n’a pas semblé m’avoir vu (j’avais des lunettes de soleil, et tout le monde n’est pas forcément attentif aux gens autour comme je le suis). J’ai fait mon possible pour me dissimuler derrière la machine et tourner la tête dans la direction opposée.