Écouté au lever l’album Dummy de Portishead, qui mérite bien d’être classé dans les chefs d’œuvre de la décennie précédente (rien à voir du tout avec ce dont il est question ci-dessus). L’étonnant est que je ne l’avais pas encore dans ma discothèque — et là, je ne l’ai eu que par hasard, je l’ai emprunté à Jenny un soir que je l’ai vu chez elle.
Appel de Florence dans l’après-midi ; ce matin, elle passait son entretien à la médiathèque du Plessis-Trévise, et c’est bien à propos de ça qu’elle voulait me parler. L’endroit et les gens lui ont plu, et ils ne semblent pas avoir d’autre postulant pour le poste (création et direction de la discothèque, c’est intéressant) ; je lui ai conseillé d’abandonner Colette Haddad, elle me semblait toute excitée par la perspective d’avoir cet emploi. Avant de m’avoir, elle a parlé à son « ex », qui, lui, a parlé de l’importance du cadre de vie (et c’est vrai que d’être tous les jours au voisinage du Louvre et de l’opéra la fait triper). Je l’imagine, c’est vrai, avec tendresse aller tous les soirs porter la recette du jour dans une grande banque du quartier vêtue d’une robe Colette Haddad qui met sa poitrine en avant ; mais elle est trop mal payée dans ce travail, et elle ne réussira jamais à s’en sortir (avec ses crèmes pour les seins Yves Saint-Laurent à 300 balles le petit flacon). En plus, à cause d’embrouilles à propos du montant de son salaire, elle m’a dit qu’elle n’arrivait plus maintenant à regarder sa patronne dans les yeux, qu’elle s’était sentie flouée — comme c’était arrivé avec une de ses copines dont elle estimait qu’elle l’avait trahie. Il vaudrait donc mieux qu’elle s’en aille. Le problème, vu l’enthousiasme avec lequel avait commencé ce travail, c’est que, comme pour ses relations amoureuses depuis deux ans, elle se lasse très vite.
Au cinéma voir The Thing from another world (1951), un film produit par Howard Hawks (mais réalisé par un illustre inconnu qui était — je crois — son chef op habituel). Ce n’était pas Prisonnière des martiens, le film de Inoshiro Honda qu’on a vu avec Ermold et Broerec la semaine dernière, qui ne valait guère que par son côté kitsch et la poésie visuelle involontaire que nous pouvions y lire[1] ; un vrai bon film. Une histoire intrigante, des plans de paysage polaire superbes (et certainement impressionnants pour l’époque), des personnages biens campé, du capitaine en croisement bourru mais tendre de John Wayne et Kirk Douglas au prix Nobel pur de dur, une amitié virile et drôle entre les militaires, une intrigue amoureuse originale avec une vraie belle fille (pour qui Hawks avait le béguin, paraît-il), et un extraterrestre différent de la vulgate du genre : il ressemblait très fort à Boris Karloff, mais en végétal ! Et le film n’était pas trop centré sur lui, il était laissé de l’espace pour que la situation vive vraiment. Évidemment la métaphore anticommuniste était claire, avec à la fin, l’avertissement du journaliste, enjoignant la terre à « surveiller le ciel », mais tout ne se réduisait pas à ça. Ensuite rejoint ma bande au Flesselles, et terminé à l’Atomixeur, Ermold me lâchant à la fin que j’étais « zéro relations publiques » parce que je n’ai pas parlé à son copain Forcari, qui est journaliste à Libé, alors que le journal prépare un supplément sur Nantes. Il aurait sans doute voulu que je fasse de la retape pour VidéOzone ; mais, désolé, c’est le genre de choses que je ne sais pas faire, ça me gonfle au plus haut point. Et de toute façon, il était encore une fois bourré.
[1] À force de scénario inexistant et d’acteurs de seconde zone au jeu japonais années 50, je finissais par ne plus voir que le balai très graphique des explosions sur fond de Fujiyama — peut-être d’ailleurs une référence explicite aux estampes de Hokusai, auxquelles j’ai pensé plusieurs fois. Mais sans doute fallait-il voir là plutôt le « monument » national, comme tout bon film de science-fiction américain un peu minable se doit de faire atterrir les Martiens sur la pelouse de la Maison Blanche.