Réunion avec Kinexperience ce matin, pour discuter du prochain projet : nous sommes près de l’abandonner, vu que ça se passe mal. Mais Ermold tient qu’on s’est trop engagés (vis-à-vis de notre distributeur : on est grillé pour de bon, cette fois, si on annule, dit-il). Moi, ça me fait chier — alors que les programmes sont vraiment bien, il semble (je ne les connais pas : un peu Mathias Müller, Clément Arnold et Michael Snow que présente Kinex’, mais rien de ce qu’Ermold a choisi). Je vais essayer de ne pas passer trop de temps avec ça en tout cas. Évoqué le projet d’un festival régulier, qui pourrait être un gros projet. Puis sous une chaleur liquéfiante, passé à Vent d’Ouest acheter un cadeau pour Papa : ce sera La Confession frivole de Miklós Szentkuthy (livre qui m’a l’air d’être mieux qu’intéressant). Pris d’une frénésie d’achats, comme chaque fois que je suis en présence de livres (c’est bien pour ça que je me suis interdit plus ou moins l’accès des librairies depuis un moment : ça ne sert à rien d’avoir déjà trente bouquins qui attendent d’être lus et d’en acheter encore — même si, inexplicablement, ce qui me tentait à mort au moment de l’achat me semble plein d’un ennui effroyable maintenant qu’ils sont dans la bibliothèque. La capacité d’un livre à être un réservoir de possibles marche dans les deux sens, positif et négatif). Pris un roman facile d’un écrivain espagnol à la mode, Plexus de Miller, et Kornél Esti de Kosztolány, autre très grand écrivain hongrois trop méconnu en France.
Est-ce la fatigue des derniers jours, ou l’épuisement qui me prend souvent à l’issue de mes séances avec le docteur Moreau ? je n’ai pu faire autrement que m’endormir entre six et sept heures ce soir.
Ce soir au « finissage » (une nouvelle idée) d’une exposition à la Maison de l’avocat, rue Harouys — ça aussi, un truc nouveau, mais pourquoi pas ?[1] Avec de la vodka : pour le jeu de mot, mais c’est toujours meilleur que le Gros-Plant de la Park Galerie. Nous y sommes allés surtout à cause de la prestation de Loïc : une pièce d’une vingtaine de minutes pour claviers, sampler et séquenceur. Très « musique contemporaine », mais avec un côté parfois plus groovy. Tout ne m’a pas convaincu, mais c’était intéressant, et j’ai trouvé ça par moments très bien ; ce n’était de toute façon qu’une première tentative — après celles d’improvisation collective où il jouait du violon, et où, par principe, rien n’était écrit. Ce qui est à retenir, c’est plutôt le grand écart avec Loïc-le-chanteur ; on en arrive aujourd’hui à un degré de pénétration des genres jusque-là inédit dans mon monde (mais qui a dû se produire dans les sixties à New York – à quelle autre échelle ! –, quand John Cale jouait avec LaMonte Young et avec le Velvet, et que tout ce petit monde était copain comme cochon avec Andy Warhol et Jonas Mekas). À l’issue du concert, pris dans une discussion avec une petite nana qui est en thèse de socio, et donne des cours en infocom, pas mal, puis au bar : Flesselles et 13 & 3 pour une fois — le temps était tellement beau. Ma bande a vite disparu ; Broerec avait mal au ventre, Jenny l’impression de ne justifier sa place que par le fait d’être « une petite Anglaise » (comme quoi elle n’est pas dépourvue de lucidité), et les autres, je ne sais pas. Alors, discussions théoriques avec Mathix, et déconnade avec le fameux David Morin Ullmann, du Bureau pour la Fondation du Monde, ex-Internationale Salopard (un drôle de gars, dont les paradoxes sont sans doute moins profonds qu’il ne le voudrait, même s’il se défendrait d’ailleurs sans doute d’avoir cette ambition ; un genre d’agitateur local, dont l’humour absurde consiste pour beaucoup dans le caractère démodé de ses références politiques[3]). Petite soirée donc, quand je pensais qu’elle partirait sur des chapeaux de roues pour durer jusque tard.
[1] Preuve s’il en est besoin que « l’art » commence à tout envahir. Mais (quelle que soit la qualité de ce qui était présenté) je veux le lire plus comme le signe d’une évolution vers la société de loisir que dans des termes à la Dubuffet : une exposition à la Maison de l’avocat pourrait en effet prêter à sourire.
[3] Le genre de type qui peut m’impressionner au début ; Joris — qui a eu une conversation acérée avec lui — pas du tout.