Mardi 4 juillet 2000, Nantes

En fin d’après-midi, une visite de Florence, accompagnée d’Anna. Je ne l’attendais pas, et lorsque ça a sonné, j’ai plutôt cru que c’était Jolicœur, qui devait venir tirer quelques pages sur mon imprimante. Elle quitte Nantes dès demain. Je ne sais pas bien si j’ai été très performant ; elle était jolie de visage, les yeux mêlés de vert d’eau et de teintes terre de Sienne ; mais sa robe à fleurs criardes lui enserrait trop les seins, les ramenant en paquet sur le buste. Jolicœur qui est arrivé sur ces entrefaites l’a trouvé « gironde », a-t-il dit ensuite. L’invitation pour Paris tient toujours, mais elle en lance à tire-larigot. J’ai frémi de l’entendre raconter comment tous les garçons la draguent, presque partout où elle va, trépignent pour avoir son numéro de téléphone ; un Noir qui déménageait sa voisine ; le portier de l’hôtel à côté duquel elle travaille ; le surveillant de son Monoprix ; ses collègues de travail ou leurs copains : cela me semble fou ; quelle jalousie, aussi, de la savoir si convoitée ! (alors que je pourrais bien plutôt me réjouir de ce qu’elle m’a aimé, mais ça, c’est plus difficile). Ensuite je comptais rester seul (c’est ce que je lui ai dit que j’allais faire), mais Jolicœur m’a proposé de venir dîner : une marque de reconnaissance que je ne pouvais pas refuser. Tant pis pour la thèse. Dîner léger et bon en compagnie de sa copine aux yeux toujours cernés, puis, lorsqu’elle a été partie répéter pour le concert de Dijon samedi[1], discuté longuement dans l’appartement du haut en sifflant une bouteille de Bergerac. De Loïc et de Sam, auquel il n’adhère pas (trop premier degré, voire un peu infantile) ; de son dernier poulain, à propos duquel il m’a un peu plus convaincu (j’avais jusque-là détesté son travail) ; évidemment de Marion Lachaise, d’Actif-Réactif et de optic/haptic. Je crois que je ne me suis pas trop mal débrouillé — s’il m’a invité, de toute façon, c’est qu’il le pense quelque part ; mais je suis loin d’avoir le quart de sa culture (que je ne pense pas feinte). Il m’a aussi montré la vidéo tournée jeudi par Alain Declercq au moment du vernissage à LU : lui, Grete et la Madone du bistrot dans une Rolls avec chauffeur faisant le tour du périph escortés par une escouade de motards. J’avais critiqué le côté peu spectaculaire de la chose (il faut dire, par rapport à la description virulente qu’il nous avait fait du projet à maintes reprises), mais c’est intéressant presque en soi, notamment à cause du montage, classique mais intelligent, qui crée un subtil décalage entre l’image et le référent, et fait qu’on ne sait plus très bien si on est dans la fiction (et laquelle) ou la simple captation d’images de la réalité, aussi originale celle-ci puisse-t-elle être.

[1] Elles sont payées 10 000 F : un prix totalement hors de propos avec les cachets des groupes dans le circuit rock (en plus, vue leur non notoriété). L’étonnant est que les Rabbits jouent le même soir. Il y a un échange entre les circuits qui me semble nouveau — même si le Velvet était déjà à son époque en cheville avec Warhol : on ne peut tout de même pas comparer. Disons que c’est réjouissant.