Mardi 25 juillet 2000, Nantes

Une heure au téléphone avec Florence ce soir. Elle est fatigante. À la fin j’avais la bouche complètement desséchée de parler, même si je l’ai surtout écouté parler elle, et qu’il fallait surtout que je réponde de façon adéquate de temps en temps, en veillant à parler bien distinctement pour qu’elle ne me fasse pas répéter (ce qu’elle déteste, elle en devient alors péremptoire et pénible). Mais je l’aime bien ; enfin je ne sais pas si je l’aime bien ; je suis peut-être un peu trop gentil avec elle pour que ce soit vrai. Je ressens encore un petit quelque chose pour elle, de façon abstraite (qui se réveille dès que la possibilité d’un Autre est évoquée), et puis elle m’intéresse — quelque chose comme ça. Mais nous sommes trop différents ; et je me sens tellement loin de l’univers dont elle m’a entrouvert la porte quand nous avons été ensemble… Je serais très étonné si nous gardions vraiment contact dans les années à venir. Mais avoir de loin en loin de ses nouvelles, la voir rarement, ça, j’aimerais bien.

Quelle différence, de toute façon, avec Sonia qui m’assaille de coups de téléphones auxquels je n’ai pas la moindre envie de répondre ! Hier soir je me suis laissé tenter par l’idée de la retrouver chez elle. Mais j’étais malade : j’ai soudainement été pris de vertiges presque insoutenables peu avant de partir ; c’était comme les minutes qui précèdent les vomissements lorsqu’on a vraiment trop bu. Je pensais que ça disparaîtrait vite ; mais ça n’a fait au contraire qu’empirer, et je n’ai même pas pu faire l’amour (en plus elle avait ses règles, et son haleine empestait — deux bonnes raisons de ne pas vouloir trop m’approcher d’elle). Jamais je n’aurais dû accepter qu’on se revoie lorsqu’elle m’a retéléphoné il y a quelques semaines. J’étais trop dans le trip Ermold et compagnie, je me suis laissé tenter par l’idée de baiser une fois de temps en temps : quelle sombre misère que d’en arriver là… C’est toujours le même problème, être fort, plus fort que soi-même. Et ne pas confondre la légèreté et médiocrité (même si dans mes bons moments je suis loin d’atteindre cette légèreté — objectif encore inaccessible. Au mieux, je sais peut-être approcher une certaine forme de pureté. On a ce qu’on peut).

Travaillé un peu mieux qu’hier (où je ne suis arrivé à rien). Peut-être parce que j’ai vidé mon sac de douleur lorsque Papa et Maman sont passés en fin d’après-midi, va savoir. Mais mon retard continue de s’accumuler. C’est vraiment trop compliqué, il me faut soulever des montagnes à chaque pas — et quasiment à chacun de ces pas, c’est pour découvrir un pan entier de problèmes que je n’avais pas vu[1].

[1] Au-delà de ça, la difficulté est surtout d’organiser les idées — et c’est en réfléchissant à leur organisation qu’aux jointures je trouve de nouveaux champs à explorer pour comprendre. Parce que je ne peux me passer de comprendre ; impossible de faire semblant et de passer sur la question. Peut-être que pour le lecteur, ça ne ferait pas toujours une grande différence. Mais je ne peux faire autrement (d’autant plus que cette compréhension lance des pistes pour la suite, même si celle-ci vient parfois si tard que je dois toutes les avoir oubliées — il arrive que je les redécouvre par d’autres biais).