Mardi 5 septembre 2000, Nantes

Toute la journée, pris d’un violent mal de tête qui m’a empêché de faire quoi que ce soit, ou peu s’en faut. Je n’étais bien que couché — et j’ai de fait pas mal dormi. Que la cause en ait été l’accablement devant le travail à faire, l’absence de Florence ou la lecture de Régis Jauffret, dont le poison aurait fini par s’instiller dans mes veines, je reste persuadé que la cause en était absolument psychosomatique. Dans la soirée, j’ai longuement appelé Madeleine, et je me suis senti mieux après. Nous avons parlé de Florence. Elle me met vraiment dans de drôles d’états. Ça me fait vraiment chier de reprendre les mêmes chemins de misère que les autres fois, avec à chaque ce besoin de retourner chercher ce que j’ai perdu en sachant qu’il est illusoire d’espérer le retrouver. Pourquoi regardé-je tant vers le passé ? (mais pourquoi les filles à chaque fois m’y aident par leur ambigüité ? Manquerais-je simplement de la force de les convaincre ?).

Terminé les Fragments de la vie de gens. C’est la répétition d’histoires à chaque fois différentes mais toujours aussi malheureuses qui finit par peser : cinquante-sept récits d’échec, d’ennui. C’est bien pire que Houellebecq, qui analysant l’univers du sentiment et du sexe comme le monde capitaliste, définit tout de même des gagnants. Chez Jauffret, il n’y a pas d’échappatoire : la solitude, les amis, le couple, les enfants, le travail, l’inaction, tout est affreux et ne mène qu’à la mort — que la plupart du temps on n’a même pas le courage de hâter. Vivre ce qu’il a vécu pour écrire un livre aussi sombre ne peut tenter personne ; si c’est à ce prix qu’on peut écrire un grand livre (parce que je pense assez que le sien l’est), mieux vaut ne rien écrire.