Mes résolutions de limiter les sorties commencent mal : j’ai refait aujourd’hui le même circuit qu’hier. Autant d’alcool, de conversations sans autre feu que celui de l’énervement. Autant de soumission à la chaîne qui me tire au quotidien — celle de mon esprit grégaire sans doute, de ma faiblesse et de ma pusillanimité qui me mènent au plus facile : ou au plus brillant, alors même que la chaleur qui en émane se raréfie de jour en jour. C’est de la compagnie d’Ermold le Noir dont je veux parler.
Une information surprenante : le mec de Sylvia est aussi sorti avec Florence : un de mes prédécesseurs, quoi. Je le sais d’Ermold, évidemment, à qui Lorraine l’a raconté hier soir (« une information qui ne va peut-être pas te faire plaisir. Je peux bien te la dire, je t’en ai aussi souvent donné des bonnes. ») Je commence à faire à peu près le tour de ceux avec qui elle a été ; il n’y en a plus qu’un que je ne connais pas. Sylvia n’est pas à ça près (hier soir, elle et lui s’embrassaient à pleine bouche en public, chose somme toute plutôt rare parmi nous — et moi, c’est toujours quelque chose qui m’a gêné). Paraît-il qu’il était « bien moins accroché que moi » à Florence : encore une médisance de Lorraine à mon encontre. Comme l’a fait remarquer Ermold, le problème de voir Sylvia avec un Autre, c’est surtout « que ça diminue notre cheptel » ; si (par exemple) j’étais sorti avec elle, ils auraient tous jasé, mais auraient préféré qu’elle soit avec l’un d’entre nous. Mon dieu que de conneries… Il va falloir aller voir ailleurs ; échapper à l’emprise étouffante du baron noir, suborneur d’âmes comme il s’en fait peu. Pour le moment, je me laisse guider sur la pente d’ignominie – et tous ceux qui dissimulent leur faiblesse sous une « joie » aussi bruyante qu’elle naît de la tristesse de battre les mains avec allégresse.
Retour d’Adalard de Paris. Content de le voir. Il est en meilleure forme, et de loin, que lorsqu’il était à Nantes. À lui aussi, changer d’air a fait du bien (et travailler, sans doute).
En Serbie, Milosevic continue d’être un phénomène. Il est tombé sans coups férir à la suite immédiate des manifestations de jeudi (qui n’ont en fait même pas eu à tourner vraiment à l’insurrection : la foule — ou ceux qui la dirigeaient — n’a pas rencontré de véritable opposition de la part des forces de l’ordre), et a disparu quelques temps, puis a fini par faire une réapparition à la télévision, après avoir eu une entrevue avec le ministre russe des affaires étrangères, Igor Ivanov, et la pilule de son renvoi avalée, il y a tranquillement dit qu’il restait en politique, et serait à la tête du « Parti socialiste de Serbie » dans l’opposition au nouveau président. Plutôt que de s’enfuir en Chine ou en Biélorussie incognito comme on l’aurait supposé, selon le mouvement habituel aux autocrates déchus. Ce type est tout de même très fort… Tellement retors qu’il en devient fascinant — et incompréhensible : vu sa gueule de porc satisfait, on serait gêné de lui attribuer le qualificatif de fascinant. La plus parfaite incarnation de ce que je connais d’Ubu.
Par ailleurs, même si je n’en ai pas parlé parce qu’évoquer les sujets de ce genre ne m’est pas naturel ici[1], la situation entre Israël et la Palestine commence à devenir très inquiétante. La tension est à son comble, après une grosse semaine de troubles sanglants (ou les Israéliens ont surtout été du bon côté du couteau), et on ne voit pas ce qui va en sortir de bon pour une paix.
[1] J’ai parlé de Belgrade à cause du vague romantisme que garde toute « révolution », surtout à l’Est, et par devoir envers ce que j’ai éprouvé des années durant pour la situation là-bas.