Nuit agitée, coupée de rêves étranges ; mais je n’arrive jamais à m’en souvenir au-delà de quelques traces.
Lecture de Léon Bloy, que je traîne sans parvenir à m’en passionner (j’en lis quelques pages tous les soirs, dans ma chambre qui commence à être glaciale, avec le drap humide de la couette qui m’irrite les tétons). Mis à part pour son style furieux, et ce que je reconnais dans le livre de très XIXe siècle. L’outrance de son catholicisme révolté produit un effet incongru sur moi, tant on est aujourd’hui habitué à considérer la religion exacerbée comme un cas de bêtise, d’étroitesse, et de réaction. Les propos des personnages sont parfois si exagérés qu’on y lit l’anticipation du siècle suivant : des cellules staliniennes dévouées corps et âme à la cause du Parti, omniprésent, omnipotent, omniscient — et animées elles aussi parfois par de brillants intellectuels contestataires au départ. L’un et l’autre confinent à un mysticisme guerrier et destructeur ; à la même obéissance. Deux propos sur l’art du harangueur Marchenoir en convaincront : il suffit d’y changer quelques mots pour les acclimater au milieu de notre siècle[1].
[1] À l’inverse, je me rappelle avoir fait le même rapprochement à la lecture de 1984 il y a quelques années. Cela ne fait que confirmer mon intuition. La religion est l’opium du peuple, mais pas plus que le communisme étatique.
« L’Art, cependant, je le répète, est étranger à l’essence de l’Église, inutile à sa vie propre, et ceux qui le pratiquent n’ont pas même le droit d’exister s’ils ne sont pas ses très humbles serviteurs. »
« Or, quand l’Art est autrement qu’à genoux (…) aux pieds d’un très humble prêtre, il faut nécessairement qu’il soit sur le dos ou sur le ventre, et c’est ce qu’on nomme l’Art passionnel, le seul qui puisse, maintenant, donner un semblant de palpitation à des cœurs humains pendus à l’étal de la triperie du Démon ! »
Passé chez Sandrine Jamet et Martial Pernod, les amis de Clément et Hélène ; ils sont venus habiter Nantes eux aussi, et y sont depuis trois semaines environ (ils se sont tous rencontrés à Toulouse, mais eux vivaient depuis quelques temps à Épinal). Dimanche, j’ai eu un message sur mon répondeur. Clément et Hélène étaient là à dîner. Un grand appartement ancien dans le bas de la rue de Strasbourg. Je me suis senti bien ; conversation agréable, connivence. Je m’étais bien entendu avec Martial lors de nos premières rencontres, à Québec, puis au réveillon chez Clément au Pont il y a deux ans : cela devrait continuer.
Ma géographie de la ville change d’un coup.