Très satisfait de ce que j’ai vu aux 3 Con cette année. L’année dernière je m’étais abstenu pour cause de thèse, mais c’était idiot : j’ai pu en voir six cette fois-ci, sans pour autant cesser de travailler (pas assez évidemment). Je n’ai vu aucun film en compétition, mais un film de Makhmalbaf de 96 que je ne connaissais pas (Gabbeh), un coréen présenté à Cannes au printemps (La Vierge mise à nu par ses prétendants, de Hong Sang-soo), et quatre d’une sélection de japonais effectuée par un critique américain pointu : Soldats d’été, de Hiroshi Teshigahara, L’Évaporation de l’homme, de Imamura, Premier amour, version infernale, de Susumu Hani, et Le Soldat yakuza, de Yasuzo Masumura — tous films des années 60.
Le coréen, j’ai bien failli ne pas le voir. Je devais y aller avec Ermold, mais au dernier moment, il m’a dit qu’il n’irait pas, qu’il avait oublié, n’avait pas le temps : comme il devait me faire bénéficier de sa carte, j’ai hésité, pensant que je n’aurais pas de place, mais j’ai pu en avoir une ; et j’ai retrouvé Clément et Hélène dans la salle. Très bon film, un genre de Desplechin coréen en noir et blanc, avec un acteur principal qui me faisait penser à Gérard Lanvin jeune. Une histoire de séduction banale sur le papier entre un garçon et une fille dans un Séoul hivernal, mais traitée dans une forme de récit très élaborée (d’où, peut-être, la référence duchampienne du titre) : entre la scène de départ — un type arrive seul dans un hôtel et reçoit un coup de téléphone d’une fille qui lui dit ne pas pouvoir venir, et qu’il essaie de convaincre de venir quand même — et la séquence de fin, la résolution heureuse de l’histoire, deux flashbacks possibles, deux histoires qui s’excluent l’une l’autre. Dans la première, c’est le garçon qui tombe amoureux de la fille, et elle qui tarde à se laisser séduire, qui met sans cesse des barrières à ce qu’ils fassent l’amour (elle est vierge dans les deux récits — d’où le titre) ; dans l’autre, c’est le garçon qui ne semble pas particulièrement motivé, ne voyant la fille que comme une conquête parmi d’autres (jusqu’à la séquence finale exclue) : très bon moment où il se trompe de prénom au lit, et s’étonne que la fille en fasse tout un pataquès — mais comme elle l’aime, elle finit par revenir à lui. D’un récit à l’autre, les scènes se répètent, avec plus ou moins de modifications, avec les mêmes rôles endossés par des personnages différents. Deux possibilités. J’aime ce type de film où la référence à une « réalité » se dissous, puisqu’il n’y a pas de référent réel à chercher. Du pur postulat fictionnel. Éloigner le cinéma du réalisme — alors même que le ton du film l’est, réaliste. Après ça, l’histoire n’a que peu d’importance, la fille est jolie, montre son sexe serré dans une petite culotte de coton, mais il ne me déplaît pas de voir de temps en temps des histoires d’amour qui finissent bien. Comme chez Desplechin, elle a son importance, mais c’est ce qu’il y a derrière, ce que ça dit sur la manière de construire un récit (et donc sur ce que c’est que de faire un travail « artistique ») qui importe.
Trouvé finalement plus de proximité avec la Corée qui était montrée qu’avec le Japon, pays avec lequel la distance semble toujours difficile à franchir. Les gens font souvent peu « asiatiques », leur manière d’être est moins déroutante pour un regard occidental, et leur façon de parler plus proche de nos usages : moins d’influences d’un théâtre très figé, comme on en voit souvent dans les rôles masculins des films japonais (où ils hurlent de façon gutturale) ; avec ça des inflexions moins nettes qu’en chinois, et une langue plus aisée à saisir par l’oreille. Comme le système d’écriture est assez simple dans son principe, ça donnerait envie de l’apprendre.